Une approche économique de la perception des risques multiples en forêt

Contexte et enjeux

La gestion durable des forêts est un enjeu mondial majeur, particulièrement menacé dans les pays développés par la multiplication des risques naturels. En Europe, ces perturbations (tempêtes, incendies, attaques de scolytes) ont causé la perte de 44 millions de mètres cubes de bois en vingt ans, soit 16 % de la récolte annuelle moyenne. Leur fréquence et leur intensité ne cessent d'augmenter sous l'effet du changement climatique, qui modifie les régimes de perturbations et favorise des interactions complexes entre aléas. Ainsi, la sécheresse accroît la vulnérabilité des arbres aux parasites, tandis que la mortalité due aux scolytes renforce les risques d'incendie. Ces phénomènes en cascade, synergiques ou antagonistes, dépassent l'analyse des risques pris isolément et exigent une approche systémique. Les propriétaires forestiers sont désormais confrontés à une incertitude accrue, ce qui rend leurs décisions fortement dépendantes de leur perception du risque, de leurs préférences et de leur aversion aux pertes. Comprendre ces dimensions comportementales est essentiel pour adapter la gestion forestière au changement climatique. Ce défi scientifique et pratique invite à repenser les modèles de gouvernance et les outils d'aide à la décision dans un contexte de risques multiples et interconnectés.

Objectifs

La littérature économique s’est depuis longtemps intéressée à la perception des risques des propriétaires forestiers en considérant les risques un par un. Toutefois, dans un contexte de changement climatique, les risques deviennent interdépendants. Ces interactions modifient le contexte décisionnel des propriétaires forestiers. En effet, à l’heure actuelle on ne sait pas encore quantifier ces interdépendances et les objectiver, de sorte qu’elles introduisent du flou et de l’incertitude dans le processus de prise des décisions des propriétaires. La décision est alors orientée principalement par des critères subjectifs tels que la perception des risques multiples, les préférences face au risque et à l’incertain ou encore l’aversion aux pertes. Une meilleure compréhension de ces variables comportementales constitue donc un pré-requis essentiel à l’adaptation des forêts françaises au changement climatique. C’est précisément l’objectif de ce projet de thèse que d’améliorer cette compréhension.

Dans un premier chapitre, il s’agira de réaliser une revue de la littérature afin de voir si les méthodes empiriques et théoriques existantes pour traiter des risques uniques, permettent la prise en compte de cette dimension “multiple” de la perception des risques. Des réflexions seront alors menées sur les possibles adaptations ou extensions de ces méthodes. Cela permettra de faire émerger des pistes pour les deux chapitres suivants. En effet, le deuxième chapitre sera basé sur une enquête et permettra de mettre en évidence les variables importantes pour rendre compte de la perception des risques multiples en forêt. Ces variables pourront ensuite être intégrées au modèle théorique dans le dernier chapitre. Il s’agira de proposer un cadre théorique microéconomique propice à la prise en compte et à la représentation de la perception des risques multiples par les propriétaires forestiers. Tout l’enjeu de la thèse repose donc sur la prise en compte de l’interaction entre les risques dans des approches empiriques et théoriques qui appréhendent la perception des risques. Cette interaction représente un front de science important à l’heure actuelle et soulève de nombreuses questions méthodologiques.

Partenaire INRAE